5 juin 2013

La sous‑traitance dans le secteur public: coûts et conséquences

Institut de recherche et d’informations socio-économiques
Publié le 5 juin 2013
par Guillaume Hebert, Minh Nguyen, Hélia Tremblay-de Mestral et Simon Tremblay-Pepin

Cette étude se penche sur les conséquences de la sous‑traitance dans le secteur public au Québec. Après un tour d’horizon des publications scientifiques sur la sous‑traitance, trois secteurs sont passés en revue : la Société des alcools du Québec, les contrats informatiques du gouvernement du Québec et les ressources intermédiaires pour l’hébergement des personnes âgées. EN PAGE 40 DU DOCUMENT. L’étude rassemble les tendances similaires qu’on voit transparaître dans ces domaines pourtant très différents où la sous‑traitance est présente.
Accéder au document complet : Étude sur la sous-trainance des Résidences intermédiaires

4.4.3 Le personnel, la « pierre angulaire » ?

C’est précisément sur cet aspect que met l’accent le Regroupement provincial des comités d’usagers (RPCU), qui remet même en question, au bout du compte, la véritable utilité des visites d’appréciation. Selon un comité mis sur pied par le Regroupement, les visites ministérielles et autres peuvent fonctionner lorsqu’il s’agit d’évaluer le respect ou non de protocoles de fonctionnement, mais elles ne permettent pas d’évaluer la qualité des soins en soi, qui est selon eux difficilement traduisible par des grilles d’évaluation quantitatives.

La solution résiderait alors dans une concentration des efforts portant sur le contact humain et donc sur «la compétence, le professionnalisme, le respect et l’empathie des employés». Pour le Regroupement, il s’agit de la « pierre angulaire » en ce qui a trait à la qualité de l’hébergement. Or, comme les tâches à accomplir deviennent, par ailleurs, de plus en plus complexes et que le personnel doit être de mieux en mieux formé, c’est l’inverse qui risque de se produire actuellement dans l’évolution des ressources
intermédiaires. Les conditions de travail inférieures y génèrent en effet un roulement de personnel dont les effets nuisent beaucoup au maintien et au développement de l’expertise au sein des installations d’hébergement privé.

Le MSSS reconnaît lui-même que le roulement de personnel est « important » dans les résidences pour personnes âgées et il en déduit qu’il faut faire preuve de flexibilité dans l’embauche, même si cela signifie laisser les propriétaires de résidences privées s’assurer eux-mêmes du profil adéquat des personnes recrutées.

Dans un article publié par La Presse sur la RI Villa Sainte- Anne, on rapporte qu’une résidente avait reçu son bain par 17 préposées différentes sur une période d’un an seulement. On devine bien que ce genre de pratique est fort désagréable pour une personne âgée, considérant le niveau d’intimité dont il est question.

Ces faits concordent avec les principales conclusions d’une importante étude réalisée au Canada par l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP). L’étude de Margareth McGregor et Lisa A. Ronald explique comment et pourquoi les établissements d’hébergement à but lucratif sont plus susceptibles d’offrir des services inadéquats. Les auteures s’inquiètent d’observer qu’en dépit de ces constatations, la tendance canadienne privilégie nettement un élargissement du réseau privé. Leur principale recommandation vise donc à contrer les coupures que sont tentés d’apporter à leur personnel les établissements privés et à leur imposer des « ratios minimaux de dotation en personnel ».

Au Québec, des études comparatives appliquées au secteur du soutien à domicile ont déjà montré comment les travailleurs et travailleuses non syndiqués du secteur privé pouvaient gagner un salaire de 40 % à 50 % inférieur à celui d’une travailleuse ou d’un travailleur syndiqué rattaché à un Centre local de services communautaires (CLSC).

Enfin, par définition, les travailleurs et travailleuses des RI ne peuvent offrir tous les soins qu’offrent ceux et celles des CHSLD. D’abord, comme il suffit de compléter une formation d’à peine 9 heures (le cours complet  de PAB est exigé depuis le 13 mars 2013) pour travailler en RI, il est évident que les compétences ne sont pas les mêmes que celles d’un infirmier ou d’une infirmière possédant un diplôme collégial ou celles d’un·e préposé·e aux bénéficiaires pourvu d’un diplôme d’études professionnelles de 630 heures. De plus, ces employé·e·s ne peuvent offrir autant de services aux personnes hébergées, faute d’accès à des ressources suffisantes, le meilleur exemple étant les médicaments, une dépense entièrement couverte dans les CHSLD, mais qui revient à la charge des résident·e·s (et de leur assurance privée ou publique) dans les RI.

4.5 Conclusion sur les ressources intermédiaires

Comme nous avons pu le voir, l’utilisation des RI pour l’hébergement des personnes âgées, bien qu’encore marginale, est en forte croissance au Québec et les ministres qui se sont succédé à la tête du ministère de la Santé semblent favoriser cette option. Cela est d’autant plus vrai qu’alors que les RI prennent de plus en plus d’espace, les places en CHSLD diminuent.

Cependant, selon les données même fournies par le Ministère pour les études de crédits, les coûts totaux d’une place en CHSLD sont à peu près équivalents aux coûts d’un hébergement en RI. La croissance importante des coûts des RI peut sans doute s’expliquer par la part de profit que s’octroient certains propriétaires. Le seul avantage du gouvernement est alors d’éviter d’ajouter à sa dette le poids de ces infrastructures.

Enfin, il est difficile d’obtenir un portrait clair du niveau de qualité dont bénéficient les résident·e·s d’installations d’hébergement gérées en sous-traitance, comme le sont les RI au Québec. Chose certaine, les visites d’appréciation, aussi favorables soient-elles actuellement à l’amélioration des pro- cédés internes, ne constituent pas un rempart contre les mauvaises pratiques d’hébergement, voire contre des mauvais traitements scandaleux. Les suivis et l’exhaustivité des visites, surtout en ce qui a trait au privé, laissent à désirer. En outre, de nombreux observateurs s’entendent sur le principe que la compétence du personnel est centrale pour parvenir à un hébergement de qualité. À cet effet, là encore, le roulement de personnel qui caractérise le secteur privé tend à associer la soustraitance à une qualité inférieure des soins. 

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LIVRE BLANC SUR L’ASSURANCE AUTONOMIE
03 juin 2013
Jacques Fournier

L’auteur est organisateur communautaire retraité

Le Livre blanc sur l’assurance autonomie présenté par le ministre Réjean Hébert le 30 mai, sous un sympathique discours bien enrobé, ajoute en fait des obstacles à l’accessibilité et à la gratuité des services de soutien à domicile.

Actuellement, les personnes âgées en perte d’autonomie qui ont besoin de bains et de soins d’hygiène à la maison bénéficient des services gratuits des auxiliaires familiales et sociales des CLSC. Le Livre blanc propose que ces services soient dorénavant prodigués par les entreprises d’économie sociale en aide domestique, les EESAD.

Introduction d’une tarification

Or les services des EESAD ne sont pas gratuits, même si les taux horaires sont établis en fonction du revenu. Ils sont fournis par des personnes moins qualifiées que les auxiliaires familiales et sous-payées (1). Une partie d’entre elles vit même sous le seuil de la pauvreté.

Les EESAD devraient plutôt limiter leur mandat à l’entretien ménager, ce qui avait été convenu entre le gouvernement, le milieu syndical, le milieu coopératif, celui des affaires et une partie de la société civile, au Sommet socioéconomique de 1996.

Pour suivre ce dossier, il faut comprendre le jargon du ministère. Les AVQ, ce sont les activités de vie quotidienne : les bains, les soins d’hygiène, etc. actuellement donnés par les auxiliaires familiales des CSLC. Les AVD, ce sont les activités de vie domestique : entretien ménager, préparation de repas sans diète, etc.,  services dispensés par les EESAD.

Voici l’extrait précis du Livre blanc qui propose que les AVQ soient données principalement par les EESAD : « Les services d’assistance aux AVQ sont offerts principalement par les entreprises d’économie sociale en aide domestique (EESAD) ou par des organismes privés (résidences privées pour aînés) et, sur une base d’exception pour des cas particuliers, par le CSSS » (p. 25).

Et voici l’extrait qui refile la facture aux usagers : « De leur côté, les services d’assistance aux AVQ pourraient impliquer une contribution financière de la personne, alors que cette contribution est maintenue pour les services d’aide aux AVD. Cette participation tient compte de la fréquence et de l’intensité des services fournis et du revenu de la personne ou du ménage dans lequel elle vit. La contribution ne devrait pas constituer un obstacle au maintien de la condition de la personne et à l’accès aux services. »  (p. 24).

Je milite au sein d’une association de défense des droits des retraités et nous avons toujours constaté que, lorsque les taux horaires des EESAD augmentent, en ce qui concerne les services actuels d’entretien ménager, la clientèle se prive des services requis.

On peut penser que le même problème surgira si les bains, etc. sont tarifés. De plus, selon les témoignages des usagers, les auxiliaires familiales sont parmi les intervenantes les plus appréciées à domicile.


Personnes handicapées : menace « possible » sur la gratuité


Pire : le Livre blanc évoque la possibilité que les personnes handicapées, qui reçoivent actuellement des services gratuits en raison d’un Décret adopté en 1988, soient possiblement tenues de payer leurs services : « Pour les personnes handicapées, le gouvernement du Québec a reconnu en 1988 un principe visant la compensation des conséquences financières des limitations fonctionnelles dans la détermination de l’aide matérielle qui leur est accordée. Il est par ailleurs spécifié que cela doit se faire uniquement « pour les dépenses essentielles à l’intégration d’une personne handicapée, selon la solution la plus économique et des modalités précises ». Ces spécifications sont prises en compte dans la réflexion sur une possible contribution financière. » (p. 24) (c’est moi qui souligne).

Voilà maintenant qu’une épée de Damoclès est suspendue sur la tête des personnes handicapées, en attendant la décision finale du ministère.


Propositions


Voici, à titre personnel, quelques propositions pour bonifier de façon importante le projet d’assurance autonomie du ministre. Ce sont des mesures costaudes, seules susceptibles de donner des résultats favorisant un soutien à domicile réel.

1. Le respect du consensus de 1996

Lors du Sommet socioéconomique de 1996, il avait été convenu par les partenaires , concernant le chantier des EESAD,  de ne pas substituer les emplois décemment rémunérés du secteur public par des employés sous-payés dans l’économie sociale.

Les partenaires ne voulaient pas confondre la mission des CLSC (AVQ - soins à la personne via les auxiliaires familiales et sociales) et celle des EESAD (AVD - l’aide domestique au sens large).

L’existence du consensus de 1996 a été rigoureusement documentée par les chercheurs Yves Vaillancourt et Christian Jetté (2). Il faudrait que le ministre respecte ce consensus : le MSSS ne doit pas financer l’élargissement de la mission des EESAD mais se limiter à financer leur mission initiale, l’entretien ménager.

Le consensus de 1996 est-il désuet ? La lutte contre l’appauvrissement des femmes n’a-t-elle autant sa place en 2013 qu’en 1996 ?

2. Auxiliaires familiales et sociales des CLSC et activités de vie quotidienne (AVQ)

Les auxiliaires familiales et sociales des CLSC font un travail indispensable dans le soutien à domicile et elles sont directement en lien avec les autres membres de l’équipe. Il faudrait doubler, d’ici quatre ans, leur nombre.

Cette proposition implique que les AVQ doivent être accessibles gratuitement et continuer à être offertes directement par le réseau public.

En 2012, il y a dans le réseau 5032 postes équivalents temps complet (ETC) d’auxiliaires familiales et sociales (appelées maintenant par les technocrates : auxiliaires aux services de santé et sociaux - ASSS). Il en faudrait donc environ 5000 de plus.

3. Activités de vie domestique (AVD) et accessibilité des services  pour les plus démunis

La politique de financement et d’accessibilité de l’assurance autonomie devrait faire en sorte que les personnes âgées touchant une partie ou la totalité du supplément de revenu garanti (SRG) bénéficient d’une politique de gratuité totale des services des EESAD.

Il faudrait qu’elles jouissent d’une exonération totale de la tarification, compensée par la RAMQ (via le PEFSAD, le programme d’exonération financière des services d’aide à domicile).

Cette proposition implique que les AVD continuent à être offertes par les EESAD et soient accessibles gratuitement aux plus démunis.

4. Activités de vie domestique (AVD)  et accessibilité des services pour la classe moyenne

La politique de financement et d’accessibilité de l’assurance autonomie devrait faire en sorte que les personnes âgées de la classe moyenne ne soient pas contraintes de se priver des services requis par leur état. Cette proposition implique que les AVD continuent à être offertes par les EESAD et soient accessibles à un coût raisonnable pour la classe moyenne.

Les propositions 3 et 4 pourraient entraîner un développement important des EESAD dans leur champ propre des AVD. En favorisant l’accessibilité, on dispense davantage de services et on crée des emplois : il y a actuellement 6700 employées dans les EESAD, tous titres d’emplois confondus.

5. Salaires décents pour les femmes, peu importe le dispensateur de services

Pour assurer des services de qualité, dispensé par du personnel dont le taux de rotation n’est pas trop élevé, parce que tout travail mérite un salaire digne et parce qu’il faut éviter la création de ghettos d’emplois féminins sous-payés, il faudrait que, dans le cadre des politiques ministérielles, aucune employée d’une ressource intermédiaire, d’une EESAD ou d’une entreprise privée concernée par l’assurance autonomie ne touche un salaire qui la place sous le seuil de la pauvreté, soit un salaire horaire inférieur à 11, 37 $ (indexé annuellement). Le salaire minimum est actuellement de 10,15 $ (3).

La faible rémunération est un des facteurs qui expliquent le taux de rotation élevé du personnel dans les EESAD de la région de Montréal, qui est de 50 % annuellement. Il est moindre dans les autres régions. On constate que les employées des EESAD, sous-payées, se trouvent, par exemple, un emploi syndiqué dans un hôtel (en entretien ménager, secteur où les EESAD les ont formées) dès qu’elles en ont la possibilité.

Mesures costaudes, oui, mais sans cela, le projet d’assurance autonomie, ce sera de belles paroles.

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1 commentaire:

  1. je me rappele que lors d'une greve on avait (le ministre CHEVRETTE) avait evalue le travail (le salaire )d'une auxiliaire a celui d'une femme de menage , d'une serveuse de restaurant d'une laveuse et avait baiser notre salaire a celui de ces femmes pour 4 ans

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